Les jeux de cercle produisent des résultats sonores très différents selon la dynamique du groupe y prenant part. Certains groupes tendent vers une imitation fidèle; leur exploration d’un ou deux éléments musicaux donne lieu à une évolution graduelle du résultat sonore. Par exemple, si un groupe détermine la hauteur des notes et se concentre sur des modifications sur les plans de la durée et des nuances, le son du groupe peut prendre l’allure d’un bourdonnement dont la transmutation des timbres dépend de l’instrumentation. Un bourdonnement continu, dans ce contexte, c’est tout à fait souhaitable…
Une suite de nuances différente produira un son bien différent. Vous pouvez indiquer une de ces progressions au groupe en la jouant, en la décrivant, ou en y faisant allusion à l’aide d’images.
On peut renverser le paradigme et fixer les paramètres d’un autre élément. Déterminons que la suite de nuances donnée comporte un crescendo-decrescendo, et que les notes restent modifiables. Voilà une modification simple qui donne un résultat sonore tout autre. Que se passe-t-il quand on fixe la hauteur des notes et une suite de nuances, et qu’on se permet des modifier la rythmique? Votre bourdonnement pourrait se mettre à groover. Si on se donne plus de latitude avec la hauteur des notes ou la suite des nuances, on obtiendra des résultats diversifiés. Si vous poursuivez ce processus, votre groupe se mettra à former des opinions sur ce qui fonctionne le mieux au plan musical, et la création d’une composition de groupe sera alors bien entamée. Voici la partition d’un groupe ayant complété ce procédé :
Co-composition basé sur Jeux de cercles, de l’École secondaire Lindsay Place, animé par Campbell dans des ateliers La Culture à l’école
Lorsqu’il a joué à des jeux de cercle, ce groupe-ci a préféré l’imitation précise. D’autres groupes préfèrent les changements radicaux au plan sonore : ceux-ci sautent d’un élément musical à l’autre, créant même un élément de surprise ou de contraste alors que la hauteur reste fixe. Ces deux stratégies sont utiles et intéressantes en soi. À vous, donc, de saisir la dynamique du groupe et exploiter les forces des gens et du groupe avec lesquels vous travaillez. Chaque groupe proposera ses idées, qui seront tout à fait uniques et propres à lui! Voilà ce qui fait la beauté des jeux de cercle.
« Allô… allôô… allôôô… llôôô… llôôôôô… » Les jeux de cercle sont de beaux exemples concrets de ce que contribuent les individus à la formation d’un groupe. Si on remplace une personne au sein du cercle, le son du groupe s’en trouve changé. Si on fait passer un « allô » dans deux cercles, on observe la complainte des loups chez le premier groupe, et une irruption polyphonique de salutations en langues diverses chez le second. Tout dépend de la direction que vous prenez avec votre groupe.
L’article précédent décrivait un jeu de cercle basé sur la répétition et la variation. La consigne est de reproduire, de façon approximative plutôt qu’exacte, le son précédent. Parfois, c’est plus facile à dire qu’à faire. Prenons un exemple extrême : imaginez que vous imitez un son filé sur un trombone en vous servant d’un « instrument trouvé » telle qu’une branche d’arbre pleine de feuilles séchées. Évidemment, vous ne produirez pas un son de trombone. Comment peut-on simuler un son filé à l’aide d’une branche d’arbre? Cela dépend entièrement de l’élément musical que vous choisissez d’imiter.
Demandez à vos participant·e·s de faire un brainstorming des éléments constituant la musique :
Éléments temporels (rythme, durée)
Hauteur des sons (mélodie, harmonie, geste)
Nuances
Couleur et texture sonores
Forme
Le jeu de cercle établit la forme. Fixez les paramètres d’un autre élément tout en permettant aux gens de s’amuser avec les éléments restants. Voici un jeu de cercle où on a prédéterminé la hauteur des notes :
Note sans lendemain
Sélectionnez une note de hauteur prédéterminée et donnez-la au cercle. Une personne produit cette note sur une respiration complète. Lorsque vous entendez la personne à votre gauche produire un son, rajoutez votre son au sien, soit en l’imitant, soit en variant son élément temporel, ses nuances, et sa couleur et sa texture sonore.
Si ce jeu figure parmi mes préférés, c’est parce qu’il sécurise les participants (grâce à son élément prédéterminé) tout en leur donnant la liberté de s’amuser (avec le reste!). Faites jouer vos participant·e·s et laissez-les découvrir ce qu’ils·elles aiment et n’aiment pas. Vous et votre groupe constaterez l’émergence d’un son de groupe, ce qui vous mènera à la prochaine étape.
Vous avez beaucoup improvisé, les gens s’amusent comme des fous, et maintenant, le concert approche à grands pas. Que faire? Je vous dirais d’improviser en concert comme vous le faites déjà. Sinon, vous pouvez opter pour une approche légèrement plus compositionnelle. Prenons S’amuser avec les sons filés – l’article de blog précédent – comme point de départ, et allons un peu plus loin…
La règle principale du jeu reste la même : vous pouvez faire un son filé ou un silence. Ensuite, pour ce qui est du choix de notes… Réalisez plusieurs versions du jeu en vous servant d’ensembles de notes divers (voir l’article précédent ou créez vos propres ensembles). Votre groupe a-t-il une préférence pour certains ensembles de notes? Déterminez les ensembles de notes préférés de votre groupe, et demandez à une personne d’en « diriger » l’exécution en indiquant au groupe l’ensemble de notes à jouer ainsi que la durée désirée.
Choisissez plusieurs chefs – chaque chef dirigera l’exécution des ensembles de notes à sa façon, et à une cadence qui lui sera propre. En tant que tel, c’est fascinant à observer. Pour le concert, demandez au public de deviner les règles du jeu; ensuite, faites diriger ce même jeu par vos trois chefs les plus enthousiastes – les publics adorent, car ils y perçoivent le niveau d’engagement qu’implique la création musicale… tout en pouvant y participer!
Je suis geek, je l’avoue – j’aime faire des sons filés sur mon instrument, même après 30 ans de jeu. Il s’agit d’une occasion méditative qui me permet de tout oublier et de me plaire à produire du son. J’y trouve une certaine poésie, mais je réalise que ce n’est pas le cas pour tout le monde! Or, la pratique des sons filés améliore incomparablement le jeu de mes élèves. Que faire, alors, pour la rendre intéressante et inspirante pour les moins-geek-que-moi? Ah, j’ai tellement de stratégies…
Son et silence
Instrumentation : vents, cuivres, cordes, percussions mélodiques
Âge et niveau d’habileté : tous les âges, intermédiaire à avancé
Nombre de participants : 6-35
Depuis longtemps, ma méthode de prédilection pour travailler les sons filés est un jeu musical où les instrumentistes ont deux choix :
jouer un son filé
jouer un silence
Les sons filés et les silences peuvent se chevaucher n’importe comment, ce qui crée des textures et des timbres qui évoluent au fil des entrées et des sorties intercalées des instrumentistes.
La hauteur des notes peut être prédéterminée ou non. Voici des exemples d’ensembles prédéterminés de notes :
Choisissez parmi :
Un mi situé dans n’importe quel registre
N’importe quelle note d’un accord spécifique (par exemple, do majeur ou mi mineur)
N’importe quelle note d’une gamme spécifique (par exemple, une gamme pentatonique ou une gamme de ré majeur)
N’importe quelle note d’un tétracorde tel que (0, 1, 2, 6) ou do, do dièse, ré, fa dièse
N’importe quelle note de la gamme chromatique
Pour toute option, l’exécution peut se prolonger pendant un certain temps. Encouragez l’écoute et le dialogue musical chez vos participant·es. Chaque groupe – y compris le vôtre – arrivera à un traitement différent des matériaux.
La prochaine fois, on verra comment transformer ce jeu en processus collaboratif de composition.
Plusieurs d’entre nous disons actuellement bonjour à nos instruments et nos élèves pour la première fois depuis la fin de nos vacances bien méritées. Cet article est consacré au Premier jour, moment où nos élèves disent bonjour à leurs instruments pour la toute première fois. C’est le début d’une belle relation…
Peu importe l’instrument, la découverte est au rendez-vous en ce Premier jour.
Imaginons qu’on a affaire à une salle bien fournie en instruments où les bois, les cuivres, les percussions et les cordes sont représentés. La question du jour : comment ces instruments produisent-ils du son?
Instrumentation : bois, cuivres, percussions et instruments à cordes Âge et niveau : débutants de tous les âges Nombre de participants : 1-30
Aménagez-vous un espace inspiré des expo-sciences, où différents kiosques présenteront les particularités d’un instrument. Il est utile de faire appel à des « mentors » tels que des élèves plus vieux ou un·e spécialiste pour offrir des astuces rudimentaires sur la technique et l’hygiène. Je favorise plutôt une approche « laisser-faire » : l’objectif est de laisser les néophytes essayer les instruments comme ça leur chante – ils·elles apprendront à les manipuler en jouant et en s’échangeant des conseils.
Une fois que les élèves seront occupé·es à produire des sons (attendez-vous à des bêlements, des grincements et d’autre gazouillis…), lancez-leur quelques questions. Combien de sons pouvez-vous produire sur un seul instrument? Pouvez-vous imiter ce son-là sur un autre instrument? Comment les instruments se ressemblent-ils? En quoi sont-ils différents? Encouragez les élèves à articuler et à comprendre les instruments en fonction de leur mécanisme de production du son. Cela nous amène au sujet du prochain article de blog : que se passe-t-il si…
On vous a déjà demandé de diriger un atelier de musique créative pour plus de 120 adolescentes? Ça m’est arrivé – et je me suis vraiment amusée au Trafalgar School for Girls. J’étais un peu nerveuse – ça fait beaucoup de monde, et quand les ados sont enthousiastes, ils et elles dépassent vos attentes, mais sinon… eh bien, un atelier peut facilement s’avérer très laborieux. Comment allais-je donc faire pour susciter l’enthousiasme et l’engagement de ces filles dès le départ?
Lorsque je travaille avec des amateurs, ma tâche première consiste à les mettre à l’aise, puisque la créativité se manifeste spontanément chez les gens qui rient et qui s’amusent. En ce sens, les jeux sont très utiles. Je n’ai pas ménagé mes efforts, comme j’ai dirigé l’atelier à « Traf » en m’inspirant des pep rallies qu’on organise dans les écoles secondaires anglophones : j’ai organisé un jeu musical participatif lors duquel les filles ont composé, chanté et dirigé leur propre jeu musical en se basant sur celui qui s’appelle Fruit Salad.
Fruit Salad
Les partitions suivantes sont inspirées d’un jeu musical qui consiste à répéter et à combiner trois fragments chantés de quatre temps pour une durée indéterminée. J’ai fait usage de plusieurs variations sur ce procédé dans une variété de contextes : lors d’une exploration musicale avec 30 enfants dans un camp de jour; lors d’un cours de composition offert à six adultes; et lors de pep rallies baptisés Allez(le nom de votre école secondaire)!
Instrumentation : voix
Âges : 7 ans et plus
Nombre de participants : de 6 à 100 (ou plus)
J’emploie le procédé selon lequel on superpose des chants rythmés, et je l’adapte en créant des chants rythmés de longueurs variées. Typiquement, ceux-ci comptent 3, 4 ou 5 temps. Comme ils sont de durées différentes, ils s’intercalent lorsqu’on les répète. Dépendant du contexte, je compose ces fragments comme je l’ai fait pour la partition suivante, destinée à des enfants de 6 à 10 ans.
Lorsque c’est possible, j’invite les participant·e·s à composer ces fragments, ce qui stimule leur implication au plan créatif et leur permet de s’approprier la partition résultante. Les fragments suivants sont tirés d’une partition composée par des élèves en musique de la Trafalgar School for Girls (sous les conseils de Kirsten Offer, leur enseignante de musique) sur le thème d’ArtsFest, soit le festival bisannuel de leur école qui fait plein feux sur les arts. Mis à part les fragments contenus sur cette partition, plusieurs autres chants ont été composés; j’ai choisi et adapté ceux qui s’adapteraient bien au contexte d’un pep rally réunissant plus de 120 personnes.
Le jeu
Voilà qu’on doit transformer ces partitions en jeu : d’abord, les participant·e·s doivent apprendre les fragments par cœur. On choisit un·e ou des chef(s) d’orchestre qu’on charge d’indiquer les nuances, les entrées et les sorties. Que se passe-t-il si tout le monde commence en même temps? Que se passe-t-il quand les fragments de 3 et de 4 temps commencent fort et se poursuivent decrescendo? Que se passe-t-il si une seule personne entame le fragment de 5 temps en le chuchotant?
Ensuite, on choisit un mot ou une expression parmi chacun des fragments et on le remplace par un silence. Ensuite, on en omet un autre. Et un autre. On remet un mot ou une expession ayant été enlevé. On rajoute et on enlève des éléments de différentes façons à chacun des fragments. Les carrés gris renfermant des mots dans les partitions ci-dessus présentent une façon, parmi d’autres, de regrouper des mots et des expressions afin de les enlever ou les rajouter. Portez une attention particulière aux choix que vous effectuerez en ce sens pour votre partition – ceux-ci auront un impact énorme sur la groove ou la carrure rythmique de votre pièce. Des mots et des figures rythmiques différents seront mis en relief et s’aligneront de façons variées et surprenantes, tout dépendant du moment et de la méthode employés pour l’ajout ou l’omission de mots et de phrases.
Maintenant, trouvez une façon de rajouter et omettre des mots dans le feu de l’action : inventez des signes de main pour indiquer les inclusions et les omissions. Écrivez les fragments sur un tableau blanc; couvrez et découvrez ces mots avec des bouts de papier. Pour ce qui est de votre direction, faites preuve de créativité! Mieux encore, invitez vos participant·e·s à proposer d’autres façons de diriger le jeu. Chaque groupe vous offrira des solutions différentes; la même partition résultera ainsi en une diversité de pièces. Amusez-vous bien!
Cela fait très longtemps que j’ai découvert le plaisir de jouer avec des musiciens néophytes ou encore amateurs. Tout a commencé il y a environ vingt ans lorsque je suis entrée dans un studio de danse pour enseigner la musique à une vingtaine d’enfants de huit ans surexcités pour cause de « chocolatite aigüe ». Pour tout arranger, le système de son était horrible et le piano mis à ma disposition sonnait merveilleusement faux. Dans ces conditions, apprendre à ces petites tornades la différence entre une noire et une croche allait s’avérer mission impossible, et ne me faisait vraiment pas envie. Par contre, rentrer dans leur jeu et les aider à se transformer en monstre à trois têtes caquetant dans une langage inventé … ça c’était beaucoup plus amusant ! Le plus beau est que ce genre d’exercice m’amuse toujours autant aujourd’hui que ce soit avec des enfants de huit ans, ou des adultes de quatre-vingts ans.
Ces dernières années j’ai eu le plaisir d’animer des ateliers de formation pour enseignants et des cours d’introduction à la pédagogie pour les musiciens. Le thème central de ces séances était « La créativité au sein de la salle de classe ». À chaque fois, la même question m’était posée : « Où puis-je me procurer les partitions que vous avez utilisées ? ». Ma réponse : « Il n’y en a pas ; les oeuvres finales émergent des improvisations menées avec les étudiants ». En effet, qui qu’ils/elles soient, quel que soit leur âge, leur éducation musicale (si elle existe) je fais appel à l’expérience de tout le monde en faisant appel à des pratiques musicales participatives que j’ai glanées lors de mon parcours de musicienne et d’enseignante.
Je vais utiliser ce blogue comme une plateforme où je partagerai mes idées et mes expériences liées à la pratique musicale pour tous. Chaque article aura pour objet une « partition » spécifique et inclura différentes ressources : des partitions en bonne et due forme ou des récits, ou encore, si je veux vous épater, des vidéos. Mon espoir est que vous pourrez utiliser ces ressources non comme un curriculum fini mais comme des points de départ pour vos propres explorations dans la pratique musicale participative.
Essayez le coup du monstre à trois tête … c’est vraiment super rigolo 🙂